
J’avais envie de vous faire un petit cadeau ! Parce que lire mes articles c’est sympa mais avoir une vraie histoire c’est encore mieux ! Donc j’ai décidé de vous faire lire une des nouvelles que j’ai écrite et qui a été publiée dans un recueil de la Sorbonne (ma fac ! la plus belle des universités 😉 !).
C’est une nouvelle fantastique évidemment, et je l’ai écrite il y a déjà un sacré paquet d’années, puisque j’étais encore étudiante et que je faisais de la figuration pour des films et des séries de temps à autre à cette époque. C’est lors d’une journée de tournage dans le Val-de-Marne que j’ai été amenée à déambuler entre les différents bâtiments d’un vieil asile. Ne me demandez pas où c’était exactement, je ne m’en souviens plus ! Je me souviens juste que c’était un tournage pour une série sur M6, un truc d’ados je crois. Et évidemment j’ai tout observé… Tout n’était pas décrépit comme sur la photo qui ouvre cette aventure, fort heureusement, mais il y a eu ce moment où je suis arrivée dans une pièce étrange, avec une baignoire remplie d’eau croupie, qui semblait attendre que quelqu’un s’empare de cette vision pour en faire une histoire. Alors je m’en suis saisie et j’ai fait cette courte nouvelle. Je vous laisse la découvrir, bonne lecture !
La salle était sombre, faiblement éclairée par un jour terne qu’un pâle soleil d’hiver s’efforçait de réchauffer. À terre, des carreaux cassés s’éparpillaient dans une poussière sale. Depuis la fermeture du bâtiment, personne n’était jamais revenu dans ces pièces sinistres ; on leur avait préféré des locaux modernes et rutilants, plus aptes à masquer la misère humaine qui se cachait derrière les murs. L’asile avait été déplacé dix ans plus tôt, et ses pensionnaires déménagés en hâte, avaient laissé partout l’empreinte de leur désolation.
Au centre de la pièce blanche et froide, pourrissant d’une humidité fétide, une baignoire trônait comme un trophée, réceptacle oublié, témoin silencieux des cris et des larmes, des folies étranges que les murs avaient cloîtrés. Majestueuse, elle attirait le regard comme un aimant.
Tout avait été retiré dans la pièce, jusqu’au lavabo dont on devinait encore la trace, mais dont ne subsistaient que de rares éclats de faïence qui crissaient à chaque pas.
Elle était là, débordante d’une eau saumâtre qui croupissait lentement. Un vieux robinet rouillé laissait s’écouler de fines gouttes qui s’écrasaient en formant de petits cercles.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Le bruit régulier des gouttes rythmait le silence, le troublait comme un métronome, égrenait un compte à rebours fantastique, que seuls les lieux pouvaient comprendre.
En s’approchant, on découvrait que la baignoire était envahie par une mousse verdâtre qui la dévorait de haut en bas, masquant presque en totalité un émail vieilli. Une odeur douceâtre de médicaments flottait dans l’air, se mêlant à celle, entêtante, des moisissures, En fermant les yeux, on imaginait sans peine les blouses blanches, les camisole, la vie tourmentée qui avait régi les lieux du temps de leur splendeur.
Un morceau de savon, jauni et sec, était posé sur le bord, oublié là par une main distraite. Au loin, un miroir brisé reflétait les murs gris et froids qu’on évitait de toucher. À droite, une trace de main se dessinait nettement sur le mur, accrochée là comme un témoignage, juste à côté d’un portemanteau rouillé sur lequel pendaient de misérables loques.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Il se dégageait de cette pièce une atmosphère triste qui imposait le respect autant que la crainte. Accoutumés à la pénombre, mes yeux s’étaient lancés dans une quête presque Indécente. Ils scrutaient, fouillaient, cherchaient, guettant la trace d’une folie quelconque. J’étais fasciné par cette immersion brutale dans un univers de fureur qui le terrorisait.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Le mince filet de vent qui entrait par la vitre cassée me fît grelotter. Mes pieds butèrent sur une plaque probablement tombée pendant le déménagement. En grosses lettres, on pouvait y lire : SALLE DES BAINS.
Le « DES » me fit frissonner.
PLIC PLOC PLIC PLOC
De petits morceaux de mousse verte se détachaient des parois, et semblaient aspirés par le fond de la baignoire qui paraissait noyé sous la crasse, noir et insondable. Tel un monstre fantastique, elle se dressait là, ouvrant une gueule sombre et béante qu8 donnait le vertige.
Je laissai mon imagination s’attarder sur la vision terrifiante de ces hommes et de ces femmes que l’on avait dû baigner de force dans cette urne terrible, sous prétexte de calmer les ardeurs de folies difficilement maîtrisées.
Combien de cris et de larmes la pièce humide et étouffante avait-elle accueillis ? Combien de corps fragiles, meurtris par les médicaments, abrutis par le désespoir, avait-on plongés là ? Combien de prières muettes avaient été adressées à Dieu où au Diable pour mettre fin à cet enfer ?
PLIC PLOC PLIC PLOC
Le bruit de l’eau qui s’écoulait sans relâche me mit mal à l’aise ; je tentai de l’arrêter mais la rouille, enserrant la ferraille humide, avait figé pour longtemps le robinet qui, étrangement, remplissait perpétuellement la baignoire sans qu’elle en vienne jamais à déborder. Mes mains agrippèrent le métal froid et je tentai de toutes mes forces de faire céder les rouages réticents. En vain. L’eau continuait à s’écouler lentement et le bruit lancinant qui l’accompagnait résonnait lugubrement. Le clapotement était exaspérant.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Le soleil inonda soudain la pièce, libéré de sa chape nuageuse par un coup de vent rageur, et la lumière se fit plus crue, indécente dans ce lieu sordide.
J’étais fasciné par la baignoire, par son eau qui s’étalait comme un miroir opaque, par sa présence écrasante et l’histoire dont elle témoignait.
Sans que je m’en rende compte, mes mains se portèrent vers l’onde vénéneuse et s’y plongèrent lentement. L’eau était glaciale. Je caressai les bords moussus, presque aussi doux que de la soie, et j’enfonçai un peu plus avant mes mains.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Brusquement, je fus tiré en avant par une force incroyable. Je tentai de me débattre, luttant violemment pour sortir mes mains de l’eau, mais la baignoire résistait. Elle me tenait et m’attirait à elle, attendant depuis trop longtemps qu’un corps se porte vers ses flancs, qu’il se glisse en son sein pour y sombrer en silence.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Mes pieds glissaient sur le sol maintenant mouillé, éclaboussé par mes efforts vains pour échapper au monstre ; je voyais le fond se rapprocher et la panique retenait dans ma gorge tout appel désespéré. J’étais seul, à sa merci, mes bras commençaient à faiblir et déjà je croyais m1 dernière heure venue.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Je tentai un ultime effort.
Je sentis sous mes doigts le mince fil qui retenait la bonde. Je l’agrippai furieusement et tirai d’un coup sec.
Mes mains se libérèrent soudainement. L’eau s’échappa en un résonnement guttural. La baignoire désormais vide laissait voir des bords rongés par la mousse, tandis que le fond était recouvert d’un dépôt putride.
Je m’efforçai de reprendre mes esprits. Mes jambes tremblaient encore de cette aventure, que déjà je tentais de repousser aux confins de mon cartésianisme sans faille.
Alors que je regagnais la sortie, j’entendis le bruit du robinet qui laissait toujours s’écouler de fines gouttes.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Je risquai un dernier regard sur la baignoire.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Elle était de nouveau pleine, débordante d’une eau saumâtre qui croupissait lentement.
PLIC PLOC PLIC PLOC
Poursuivi par ces martèlements incessants, je m’enfuis …

Avant de vous laisser j’ai une question : ça vous dirait que je publie mon premier roman sur Words and Co sous forme de roman-feuilleton ?

Laisser un commentaire