Book review, et une réflexion sur l’immortalité.

Dracula, les origines

J’aime les histoires de vampires !

Je suis une fan des suceurs de sang ! Livres, films, séries, dès que j’aperçois un petit bout de dent pointue, je fonce sans réfléchir, qu’il s’agisse d’un chef-d’œuvre ou d’un navet insipide. Alors évidemment, si je vais dans une librairie ou n’importe quel autre lieu vendant des livres, et que je tombe sur un pavé qui s’intitule Dracula, les origines, autant vous dire que je ne résiste pas trente secondes, même si je ne suis pas convaincue par le « pitch », ou que je me doute bien que je risque d’être un peu déçue. D’ailleurs, ma pile de livres en attente de lecture est déjà bien haute, mais qu’importe ! Et donc me voilà, sortant d’une célèbre enseigne française que je ne nommerai pas, avec cet intrigante préquelle du célèbre opus de Bram Stoker.

Mais de quoi parle ce livre ?

Je vous fais un rapide résumé. L’histoire débute en pleine ère victorienne, à Clontarf précisément, une petite ville irlandaise non loin de Dublin. Bram n’est alors qu’un jeune garçon chétif et malade, vivant la majorité du temps reclus et alité. Il est atteint d’un mal que personne ne parvient à identifier et qui le consume jour après jour. C’est sa nourrice, Ellen Crone, qui, par ses soins obscurs, parvient à le sauver de la mort. Bram se remet alors progressivement, à la surprise générale de ses proches. Seule sa sœur, Matilda, trouve ce rétablissement miraculeux, d’autant plus qu’elle trouve son frère désormais méconnaissable, doté d’une force exceptionnelle et d’une capacité de guérison hors norme. Peu de temps après cette rémission étrange, une série de meurtres survient dans les villages environnants, et Nanny Ellen disparaît sans explication, laissant toute la famille, Matilda et Bram en particulier, dans l’incompréhension. Ils tentent alors de percer les mystères qui entourent leur nourrice et se retrouvent au milieu d’une histoire aussi irréelle qu’effrayante. Cette quête aura des conséquences irréversibles sur leurs vies d’adultes car elle va les confronter à l’impossible réalité des vampires.

Le livre se déroule sur deux époques : l’enfance de Bram et l’enquête qu’il mène avec sa sœur après avoir été guéri de sa maladie incurable, et la vie adulte de la fratrie Stoker, Bram ainsi que son frère et sa sœur, embarqués malgré eux dans une quête qui va les mener aux confins de la folie et de la terreur.

Alors ça donne quoi ?

C’est pas mal, mais je ne dirais pas non plus que c’est un chef-d’œuvre. Les critères du roman gothique sont respectés, l’histoire est bien construite, bien qu’avec quelques longueurs, et cela nous permet d’apprendre un peu la vie de Bram Stoker, son enfance en tout cas. Pourtant, il ne fait pas partie des bouquins que je recommanderais les yeux fermés ! Sauf pour des accros aux livres de vampires comme moi.

Alors pourquoi faire une chronique sur un livre que je suis loin de vous recommander ?!

Tout simplement parce que ce n’est pas le livre qui m’a interpellée mais la note rédigée par les auteurs à la fin du récit. Parce que là, j’y ai trouvé mon compte : mon cerveau s’est mis à bouillir et je me suis mise à échafauder mille et une hypothèses. Quand on est romancière, l’imagination ne s’arrête jamais !

Mais quelle est cette info que j’ai trouvée géniale ?

Avouez que je vous intrigue ?! Je l’espère en tout cas, parce que personnellement, je trouve que le « scoop » mérite bien une chronique. Et je vais vous expliquer ce qui a piqué ma curiosité, attisé mon esprit, et m’a entraînée vers un questionnement plus sérieux aussi.

Inutile de vous faire languir davantage, passons aux choses sérieuses ! On ne s’interroge jamais sur la genèse de l’œuvre majeure de Bram Stoker, tant le personnage de Dracula fait partie de nos « méchants » classiques, de ceux que tout le monde connaît, pour avoir lu ou vu une des nombreuses adaptations et autres versions diverses du plus célèbre vampire. Mais en fait, cette interrogation pourrait être légitime, et on pourrait se demander où l’écrivain Stocker a trouvé cette idée à la fois effrayante et géniale.

Eh bien, la vérité est perturbante, et vous allez comprendre pourquoi cette note finale m’a secouée un peu. Il se trouve que monsieur Stocker, lorsqu’il a porté pour la première fois son manuscrit à son éditeur, Archibald Constable & Company, a ouvert la conversation sur cette phrase toute simple : « Cette histoire est authentique. » !!

Et on peut même lire dans la préface originale de Dracula : « Je suis convaincu sans le moindre doute que les évènements ici relatés, si incroyables et si incompréhensibles puissent-ils paraître au premier abord, se sont réellement déroulés. Je suis encore convaincu qu’ils doivent pour toujours rester incompréhensibles, jusqu’à un certain point… Je déclare de nouveau que la mystérieuse tragédie ici relatée est entièrement authentique quant aux faits bruts… Les évènements survenus sont irréfutables… »

En fait, Bram Stoker ne voulait pas présenter son livre comme une fiction mais comme un avertissement au sujet d’un mal tout à fait réel. Son éditeur, inquiet de l’impact que pouvait avoir un tel récit s’il était présenté comme authentique, lui opposa alors un refus catégorique. Londres tremblait encore en raison des méfaits de Jack l’éventreur, il était inenvisageable de publier une telle info sous peine de déclencher une panique générale. Stoker hésita longtemps, il était pris entre deux feux : garder son manuscrit tel quel mais sans possibilité de publication, ou bien remanier son texte pour enfin être édité.

Quand enfin le roman fut publié, le 26 mai 1897, les cents premières pages avaient été ôtées, le reste du texte avait subi de nombreuses modifications et la fin avait été raccourcie, changeant radicalement le sort final de Dracula. Mais notre illustre auteur était malin, et il envoya personnellement une ébauche de son roman à tous ses éditeurs sur la planète, sachant que les modifications qu’il avait apportées ne concerneraient que le Royaume-Uni.

Que contenaient les cent pages écartées du manuscrit originel ? Quel message d’une importance vitale voulait faire passer Bram Stoker au travers de son récit ? Les premières éditions parues dans le monde semblent être la clef pour celui qui voudrait découvrir dans son intégralité l’histoire qu’il a souhaité nous transmettre. Bram a semé de nombreux indices, il suffit de savoir où chercher et d’avoir la volonté (et la curiosité, doublée d’une bonne dose d’ouverture d’esprit !) de suivre le chemin qu’il a entamé pour nous.

Bram précisa très tôt quels étaient les dons particuliers des vampires. Seule la lumière du soleil manque à sa liste. À ses yeux, les vampires pouvaient évoluer pendant la journée, mais leurs pouvoirs étaient inactifs. L’effet mortel des rayons du soleil sur les vampires n’est apparu qu’en 1922, à l’occasion de la sortie du film Nosferatu. Pour Stoker, Dracula n’a rien en commun avec Vlad l’Empaleur, cette théorie a en effet été avancée bien plus tard, par deux professeurs de l’université de Boston à l’occasion d’une thèse, puis reprise avec succès par Francis Ford Coppola lorsqu’il a réalisé son Dracula, sorti en 1992. Pour Bram, Dracula avait été formé à Scholomance, une école perchée dans les montagnes de Roumanie, et où le Démon enseigne les mystères de la nature, en choisissant seulement dix élèves à la fois, et en en gardant un comme prisonnier en guise de paiement. (D’ailleurs je vais m’intéresser au sujet, ça ferait un bon thème de roman !). D’après Bram, Dracula aurait été l’un de ces captifs choisis pour être l’adjoint du Diable… et ainsi devenir une des âmes les plus noires que la terre ait jamais porté.

Mais où Bram a-t-il donc trouvé cette idée de vampire ? Et comment en est-il arrivé à être fasciné autant par ces monstres ? Tout commença dans son enfance, quand sa nanny lui raconta la légende du Dearg-Due (une femme vampire dans le folkore irlandais). Le jeune Bram a du indubitablement être marqué par cette histoire. L’histoire était en marche, et c’est ainsi qu’a germé dans l’esprit de notre auteur la légende du cruel Dracula. Bram semblait persuadé de l’existence des vampires, il a même déclaré : « Il existe des mystères que les hommes ne peuvent que supposer et qu’ils résoudront peut-être avec le temps, mais seulement en partie. »

Avec Dracula, Bram Stoker nous a laissé un chef-d’œuvre de la littérature gothique, mais également un mystère à résoudre. Une question de taille, qui nous paraît irréaliste et impossible ! Et si tout cela était vrai ? Si les vampires vivaient parmi nous depuis « la nuit des temps », cachés au cœur des nuits noires ou perdus dans les foules urbaines dans lesquelles les gens se croisent sans se regarder ni même se parler. Bram y croyait au point d’avoir demandé à être incinéré le jour de sa mort, à une époque où cette pratique était très rare. Avait-il peur de revenir à la vie contre son gré ? De se transformer en monstre buveur de sang ?

La légende du vampire ne date pas du 19ème siècle, elle puise ses origines dans des traditions mythologiques anciennes et diverses et se retrouve dans toutes sortes de culture à travers le monde. L’universalité du mythe du vampire ne fait aucun doute, comme si ces monstres avaient germé dans les esprits et les cultures en traversant les océans, les continents, et les siècles. On peut légitimement se demander si cela est normal ? Je ne suis pas spécialiste des mythes et légendes du monde entier et de la façon dont elles sont transmises à travers les siècles et d’un pays à l’autre, je ne peux donc pas répondre à ce sujet. Par contre en tant que romancière, j’aime à croire qu’il y a un fond de vérité dans le mythe du vampire. Cela me ficherait une trouille carabinée et je pense que je n’oserais plus sortir la nuit ! Mais nom d’un chien quelle révolution, si on découvrait que notre monde recèle encore une part de mystères…

Et du coup je me suis posée une question de taille, une question qui mérite d’être posée à l’heure où le transhumanisme s’éloigne de la science fiction et devient de plus en plus plausible, nous rapprochant ainsi, peut-être, un jour, d’une forme d’immortalité. Si les vampires existaient, si vous en aviez la preuve, si vous en rencontriez un… Auriez-vous envie d’être transformé à votre tour ? D’accéder à l’immortalité ?

Question redoutable n’est-ce pas ? Car enfin, la mort nous fait peur, ce n’est pas une question, c’est un fait, un fait normal, humain, une réalité à laquelle nous évitons soigneusement de penser dans nos civilisations policées et qui refusent de regarder en face les sujets tabous. Mais si demain, il vous arrivait de rencontrer une femme ou un homme qui vous expliquait être un vampire et vivre depuis près de 300 ans, que cette personne vous semblait « normale » (pas le cliché typique du vampire maudit et méchant !), que feriez-vous ?

Je me suis posée la question pour moi-même et j’en suis arrivée à la conclusion que je ne voudrais pas être confrontée à ce dilemme. Pourquoi ? Parce que je pense que je serais tentée de vouloir avoir plus de temps pour apprendre, comprendre, faire évoluer l’humanité… Mais en même temps, devenir immortel, c’est aussi voir ceux qu’on aime disparaître, souffrir de voir nos êtres chers s’éteindre et oublier les heures, les jours, les semaines et les mois, oublier les souvenirs précieux et les rires, les moments heureux, oublier petit à petit ce qui fait la richesse de la vie et ne plus ressentir aucune émotion pour se prémunir de la peine, de la déception, de la tristesse. Et je ne voudrais pas connaître cet état, je ne voudrais pas devenir blasée en regardant le temps qui fuit à une vitesse folle, en regardant les gens s’épuiser à trouver un sens à leur vie. Non, je préfère mon statut de mortelle, et tant pis pour tous les savoirs auxquels je n’aurais jamais accès et toutes les questions qui resteront sans réponse.

Et vous ? Si vous aviez le choix ? Que feriez-vous ?

J’attends vos réponses !


Commentaires

2 réponses à « Book review, et une réflexion sur l’immortalité. »

  1. Je ne sais plus qui a dit que le problème avec l’immortalité, c’est qu’on ne découvre si on l’est, ou pas, le jour de notre mort. Avant ce jour, impossible de le savoir !

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    1. C’est exactement ça !

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